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Mohamed Zailioui a pour projet depuis début 2024 de faire classer monument historique son bar Au Nid de cigognes, à la Montagne-Verte. Une démarche longue et exigeante attend le propriétaire.

Un assemblage de colombages en forme de rosaces, des dizaines de fenêtres de tailles hétéroclites, une tourelle unique aux allures de donjon médiéval… Sur les bords de la route de Schirmeck, le bar-PMU Au Nid de cigognes détonne avec les maisons voisines.

La bâtisse est une ancienne partie du glacis de Strasbourg, un ensemble de constructions faites de poutres et de torchis conçues pour être démontées facilement en cas d’invasion ennemie. Érigé au parc de l’Orangerie pour l’exposition universelle de 1895, l'édifice a été déplacé dans le quartier un an plus tard.

Accoudé au comptoir, entre la machine à café et les tickets à gratter, Mohamed Zailioui narre l’histoire du lieu. Il rachète le Nid de cigognes en 2016 après le décès de Nicole Teutsch, l’ancienne propriétaire. "Je lui ai rendu pas mal de services, j'ai toujours été là pour elle. Et un jour, elle m’a dit : c’est toi qui va reprendre l’affaire !", se souvient-il.

Un quartier peu valorisé au niveau du patrimoine

Début 2024, le propriétaire entame les démarches avec la Direction régionale des affaires culturelles (Drac) du Grand Est, rattachée au ministère de la Culture. C’est cette administration qui instruira la demande de classement. Bénédicte Mathey, chargée de protection des monuments historiques à la Drac, suit le dossier depuis le départ. Un aspect de sa mission consiste à s’assurer que le motif principal de la démarche soit plus patrimonial que fiscal.

Les propriétaires d’un bâtiment classé peuvent en effet bénéficier d’une déduction d’impôts allant jusqu’à 100% des frais engagés pour la rénovation du lieu. À ses yeux, l’histoire du bar est intéressante, d’autant plus qu’il est situé dans un "quartier peu valorisé au niveau du patrimoine".

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Les poutres en bois et les colombages sont typiques de l'architecture du glacis. © Alizée Grides

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Sur la devanture du bâtiment, une plaque rappelle l'histoire du Nid de cigognes, déplacé de l’Orangerie à la Montagne-Verte en 1896. © Arthur Besnard

Mohamed Zailioui devra toutefois s’armer de patience. Après un premier rendez-vous avec la Drac en mars 2024, le propriétaire doit désormais constituer un dossier justifiant l’intérêt patrimonial de l’édifice. La commission régionale du patrimoine et de l’architecture rendra ensuite plusieurs avis sur l’utilité de poursuivre ou non les démarches. Bénédicte Mathey estime que la durée totale du parcours pourrait prendre quatre à cinq ans. "On est très sollicités sur la région Alsace", justifie-t-elle. Le propriétaire et son ami tempèrent : "On est sur une pente douce. Et si ça ne se fait pas demain, on va continuer à notre rythme."

"On a même pensé à appeler Stéphane Bern" 

Quelques rénovations seront nécessaires pour maximiser les chances de voir l’édifice classé. Les matériaux qui dénaturent l’architecture traditionnelle du bâtiment peuvent freiner le processus. "Les fenêtres en PVC, le carrelage, le plafond…" : autant d’éléments que Mohamed Zailioui souhaite changer pour les rendre plus authentiques.

"On a même pensé à appeler Stéphane Bern, à lui proposer de venir faire un Rapido pour financer les travaux", ironisent-ils.

Le maître des lieux conclut sur un ton plus sérieux : "Dans six ans, si tout se passe bien, j’ai fini de payer l’emprunt. Alors, je mets le paquet pour faire quelque chose de joli !"

Le classement inclut toutefois son lot d'obligations. Bénédicte Mathey précise : "Dès que vous avez un monument historique, vous générez un périmètre réglementé de  500 mètres. Cela provoque souvent des interrogations ou des conflits [entre le voisinage et] les services de l'État." Pas de quoi décourager les deux compères, certains que cette reconnaissance du quartier réjouira ses habitants. Mohamed Zailioui table sur l'absence de terrain constructible aux alentours pour lui éviter des déboires avec les riverains. Il préfère probablement les voir jouer au quinté dans un monument historique.

Arthur Besnard et Tom Soriano

L'ensemble paroissial Saint-Arbogast : seul monument historique du quartier

Dans le quartier de la Montagne-Verte, seuls l’église Saint-Arbogast et son foyer, construits dans le style glacis en 1910, sont classés monument historique depuis 2022. Les démarches de classement ont été initiées par le président du foyer, Jean-Paul Meyer. Le prêtre, Jean-Philippe Rendler, confie y voir, a posteriori, "plus d’inconvénients que d’avantages". Les monuments historiques doivent être rénovés par des artisans spécialisés en respectant un cahier des charges exigeant. Bien que déductibles fiscalement, d’onéreuses avances de frais sont faites sur les deniers de la paroisse.

Outre le Nid de cigognes, d’autres maisons et monuments sont typiques du style glacis à la Montagne-verte. Parmi eux, seul l’ensemble paroissial Saint-Arbogast est classé monument historique.  ©Arthur Besnard et Tom Soriano

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