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Dès 2026, le cimetière Saint-Gall qui borde le quartier de la Montagne-Verte devrait s'étendre vers le sud. Une nouvelle page dans l'histoire de ce lieu datant du XVIe siècle qui se visite comme un musée. 

Carottes, navets, tomates, poireaux. Sur une tombe, un étrange bouquet automnal se mêle aux chrysanthèmes du cimetière Saint-Gall. À la tête d’une équipe de trois personnes, Vianney Rohfritsch, responsable du lieu depuis 2019, est chargé de son entretien. Depuis la végétalisation et l’abandon des pesticides au début des années 2010, il reconnaît que le cimetière est devenu plus agréable même si "c’est beaucoup d’entretien et c’est plus compliqué qu’avant." Les allées de gravier ont laissé place à l’herbe et des bancs permettent aux visiteurs de se recueillir à l’ombre des sapins surplombant les tombes. Un tournant vertueux qui se poursuit avec le projet d’extension au sud porté par la Ville de Strasbourg. D’ici deux ans, le cimetière de la Montagne-Verte devrait expérimenter la création d’une forêt cinéraire et l’utilisation d’urnes éco-responsables, donnant la possibilité aux défunts de se faire inhumer aux pieds des arbres.

Ce projet permettra d’augmenter la capacité d’accueil du cimetière. Parmi les 4 000 sépultures actuelles, les caveaux sont majoritaires. Au nord du cimetière se trouve le columbarium, où des urnes reposent. Des cavurnes, tombeaux contenant des urnes, se situent à proximité de la maison du cimetière. Ici sont aussi plantés des rosiers et conifères du souvenir pour les défunts qui souhaitent y reposer. 

Depuis 1968, il n’est plus possible d’acquérir de concessions perpétuelles à Strasbourg. Celles-ci, intouchables, peuplent le cimetière de vieilles tombes parfois illisibles, envahies par la végétation ou en partie détruites. Sac à dos rouge, lunettes bleues et pochette rose sous le bras, Jean-Pierre Nafziger sillonne les allées. Il guide avec passion les visiteurs à travers l’histoire d’un des plus vieux cimetières de Strasbourg, fondé en 1527 afin d’éloigner les morts du centre-ville. Saint-Gall abrite les sépultures de personnalités marquantes. 

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Des écriteaux sont plantés sur les tombes en fin de concession par les équipes du cimetière. © Thomas Ancelin

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Jean-Pierre Nafziger organise des visites au cimetière Saint-Gall. © Thomas Ancelin

"C’est presque l’histoire de la littérature alsacienne"

À l’entrée, celle de Pascal Verdenne rappelle un moment tragique pour la ville : l’attentat du marché de Noël du 11 décembre 2018, dont ce retraité du secteur bancaire fût victime. Dans une autre section, la statue grandeur nature de Jean-George Daniel Arnold, signée du sculpteur alsacien André Friedrich, surplombe le cimetière. Premier écrivain à avoir publié un texte en dialecte strasbourgeois, il est représenté assis avec, à ses pieds, un masque symbolisant sa passion pour le théâtre. Les yeux brillants, l’ancien professeur d’histoire à la retraite s’enthousiasme : "C’est presque l’histoire de la littérature alsacienne." Au détour d’une allée, le casque à pointe sur la sépulture de Gerhard Veil attire l'œil. La tombe unique de ce soldat mort au combat en 1914 raconte une région tiraillée entre la France et l’Allemagne. 

Ces 2,57 hectares de verdure bordant le quartier de la Montagne-Verte témoignent aussi d’une partie du passé politique de Strasbourg depuis le XVIIIe siècle. De Jacques-Frédéric Brackenhoffer à Jacques Peirotes en passant par Pierre Pflimlin, plusieurs anciens maires y sont inhumés. "C’est un véritable musée à ciel ouvert", affirme Jean-Pierre Nafziger. Une promenade au cimetière peut donc réserver bien des surprises.

Thomas Ancelin et Lucie Porquet

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