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Les eurodéputés veulent faire mieux contre la fraude fiscale


28 mars 2019

Le Parlement européen a adopté le 26 mars un plan d'action ambitieux pour lutter contre l'évasion fiscale. Une pression supplémentaire sur la Commission européenne et les gouvernements nationaux pour enfin régler ce problème qui gangrène l'Union européenne.

 

Panama et Paradise Papers, LuxLeaks et CumEx Files, plusieurs scandales ont révélé ces dernières années que des milliards d'euros échappent en toute légalité aux fiscalités des États au sein même de l'Union européenne. Pour y faire face, un plan d'action proposant des mesures d'envergure a été adopté mardi 26 mars par le Parlement européen. Fruit d'un travail de longue haleine mené par une commission spéciale dite TAX3, il est cependant non contraignant. Jusqu'à présent peu de décisions concrètes ont été prises par les Vingt-Huit sur le sujet, et pour cause, certains pays opposent un veto systématique à toute harmonisaton des règles fiscales.

Refonder le système fiscal

Le rapport du Parlement propose un vaste ensemble de mesures concrètes, telles que des restrictions pour les paiements en espèces, une harmonisation des règles sur la TVA, une vigilance accrue contre le blanchiment et la suppression progressive des passeports et visas dorés (programmes de certains Etats, comme Malte, accordant la citoyenneté ou la résidence en échange d'investissements financiers). Limiter les accords fiscaux négociés entre les multinationales et certains États est l'une des propositions les plus marquantes des eurodéputés. En 2014, le scandale des LuxLeaks a révélé le recours régulier de certains États à ces accords opaques entre les gouvernements et les multinationales cherchant à s'implanter sur leur sol. Des entreprises obtiennent alors des avantages fiscaux importants, comme Disney qui se serait acquitté de moins de 1 % d'impôts sur ses bénéfices européens centralisés au Luxembourg sur la période 2009-2013. Les eurodéputés soulignent dans leur rapport que ces pratiques sont « contraires au principe de solidarité de l'Union ». 1000 milliards d'euros d'argent public s'évaporeraient ainsi chaque année par optimisation fiscale estime Bruxelles, soit près de 2000 € par citoyen européen.

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Pour la députée Eva Joly (Les Verts), le combat contre la fraude fiscale est décisif pour l'Europe, notamment pour financer la transition énergétique. © Héloïse Lévêque

 

Une longue série de scandales financiers

  • 3 juin 2008: Scandale UBS

  • 5 avril 2013: Offshore Leaks

  • 19 janvier 2014: China Leaks

  • 6 novembre 2014: LuxLeaks

  • 3 avril 2016: Panama Papers

  • 20 octobre 2017: Paradise Papers

  • 18 octobre 2018: CumEx Files

De nombreux députés de gauche auraient cependant aimé aller plus loin, par exemple en fixant un taux d'impôt minimal dans l'ensemble des Etats européens. Rejetée dans l'hémicycle, cette proposition serait pourtant une mesure particulièrement efficace pour le député Espagnol Miguel Urbán Crespo (GUE/NGL, gauche antilibérale). « La course vers l'attractivité se manifeste par la dévalorisation des conditions sociales et un nivellement vers le bas en matière d'imposition. Nous les progressistes, nous proposions d'instaurer un taux minimum d'impôt de 18% sur les bénéfices des entreprises » regrette ce militant anticapitaliste.

« La Commission a tout de même fait passer 14 directives importantes contre l'optimisation fiscale », tempère le député tchèque Luděk Niedermayer (PPE, chrétiens démocrates), qui porte un regard moins sévère sur les mesures adoptées ces dernières années à Bruxelles.

Le verrou du Conseil

Si le rapport propose essentiellement des mesures fiscales, il suggère également de faire évoluer le fonctionnement institutionnel de l'Union européenne. Les députés européens souhaitent ainsi mettre fin à l'unanimité requise au Conseil de l'Union européenne pour les questions liées à la fiscalité, au profit d'un sytème de majorité qualifiée. La volonté du Parlement de lutter contre l'évasion fiscale se heurte en effet depuis des années à un blocage de la plupart des propositions dans ce domaine, dû au véto de pays hermétiques à tout changement de système. Le Parlement invite par conséquent le Conseil à organiser un sommet avant la fin de l’année 2019 pour trouver une manière de faciliter la prise de décision sur les questions fiscales.

« J'ai de l'amertume » déplore la députée européenne Eva Joly (Les Verts), « malgré l'adoption de ce rapport, il y a ce verrou au Conseil qui empêche toujours de passer à l'action, tout ça pour seulement quelques centaines de milliers d'habitants qui se goinfrent dans les paradis fiscaux. Mais pouvions-nous attendre autre chose de Jean-Claude Juncker ? ». Si l'ancienne magistrate au pôle financier de Paris, pointe ainsi le président de la Commission européenne, c'est que c'est l'ancien premier ministre du Luxembourg a mis en place pendant 19 ans ce qui fait aujourd'hui la richesse de son pays : le détournement des produits fiscaux des autres états. « Il faut priver le Luxembourg de son droit de vote au Conseil en activant l'article 7 sur la violation des valeurs de l'Union » soutient celle qui va bientôt quitter le Parlement après y avoir siégé pendant dix ans.

Pour se défendre, le Grand-duché rappelle les efforts qu'il a entrepris depuis cinq ans pour réduire les pratiques fiscales agressives sur son territoire, notamment en mettant en vigueur certains accords internationaux et européens. Le dialogue semble donc ouvert... Mais le ton se durcira t-il après le départ de Juncker ?

Jonathan Trullard, Thu Thuy Nguyen

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