11 mai 2023
Olaf Scholz a été invité le 9 mai au Parlement européen de Strasbourg pour prendre la parole lors d’un débat. Une allocution controversée qui n’a pas recueilli que des applaudissements.
Serrage de main, défilé sur le tapis rouge, photos officielles... Pour sa première au Parlement européen, le chancelier allemand se prépare à un débat houleux. Très pressé, Olaf Scholz se prête brièvement au défilé protocolaire habituel aux côtés de Roberta Metsola, présidente de l’institution. Le social-démocrate ne tarde pas à rejoindre la salle de conférence de presse. Durant dix courtes minutes et sous les objectifs des photographes, le chancelier répond à la presse. Le marathon du dirigeant reprend au pas de course en direction de l’hémicycle, au grand désarroi des journalistes présents, désireux de davantage le questionner.
Olaf Scholz pour la première fois au Parlement européen en tant que chancelier allemand. @ Charlotte Gross-Hohnacker
Car depuis son élection en décembre 2021, Olaf Scholz divise. Décrié pour son manque d’autorité au sein de son gouvernement de coalition et son inaction au niveau international, notamment vis-à-vis de la guerre en Ukraine, il est attendu au tournant lors de ce débat.
Une Europe géopolitique pour s’élargir
« Nous avons besoin d’une Union géopolitique, d’une Union élargie et réformée, et d’une Union ouverte sur l’avenir », débute-t-il. Devant une assemblée qui se remplit doucement, le chancelier défend, au cours d’un bref discours de 20 minutes, sa proposition d’élargissement évoquée lors de son allocution à Prague l’été dernier : celle d’une « Europe géopolitique ». Ce projet, qui vise principalement à faire face à la Russie, veut inclure dans le camp européen les pays des Balkans occidentaux (Albanie, Bosnie-Herzégovine, Kosovo, Macédoine du Nord, Monténégro et Serbie), l’Ukraine, la Moldavie et la Géorgie. Le chef d’État rappelle la perspective d'adhésion à l’Union européenne pour ces pays. « Une Europe géopolitique se mesure aussi à sa capacité à tenir ses promesses auprès de son environnement immédiat », lance-t-il.
Le chancelier poursuit et met, sans surprise, son cheval de bataille sur le front : la question migratoire et les demandes d’asiles. Il appelle à un accord sur une refonte du système d’asile de l’Union européenne avant les élections européennes de 2024. « Nous sommes unis par l’objectif de mieux gérer et réglementer la migration irrégulière, sans trahir nos valeurs. Nous avons besoin de travailleurs originaires de pays tiers, poursuit-il avant de conclure que le passé ne triomphera pas de l’avenir et notre avenir, c’est l’Union européenne. » Sous les applaudissements, le dirigeant allemand se redirige vers son siège, un sourire aux lèvres qui ne tarde pas à s'effacer.
« Nous avons besoin de courage »
Le chancelier n’est pas épargné par les députés européens, et plus particulièrement par les parlementaires allemands. Son principal opposant en Allemagne et président du PPE (droite), Manfred Weber, ne se prive pas : « Nous n’avons plus besoin de discours, nous avons besoin de courage », avant d’ajouter moins de discussions à huis clos, plus de débats au sein du Parlement européen ». De son côté, Terry Reintke, coprésidente des Verts, décrit une image du chancelier qui s’est « ternie au cours de ces derniers mois », en référence aux difficultés rencontrées à unir les trois partis de sa coalition en Allemagne.
Andrzej Halicki, député polonais du PPE, pointe du doigt le chancelier sur la livraison tardive de chars à l’Ukraine. « Où sont les tanks, où sont les armes ? [...] Ne soyez pas un obstacle ! ». Pendant plus d’une heure, Olaf Scholz prend note des critiques proférées par les eurodéputés à son encontre. C’est à son tour de clôturer les débats en rappelant le soutien inconditionnel de son pays à l’Ukraine. « Nous sommes leur premier soutien et nous voulons le rester », lance-t-il. Avant de conclure : « certains l’ont peut-être oublié parce qu’ils sont trop éloignés de notre réalité ». Après quelques photos aux côtés des parlementaires, le dirigeant allemand repart aussi vite qu’il est venu. Il quitte l’hémicycle sans avoir véritablement convaincu.
Kilian Bigogne, Charlotte Gross-Hohnacker et Esther Suraud