05 mai 2022
La Commission européenne a approuvé le 4 mai le sixième paquet de sanctions contre la Russie suite à son agression de l’Ukraine. D’ici la fin de l’année, l'exécutif européen souhaite ne plus acheter une goutte de pétrole russe, soit le quart de ses importations d’or noir. Une décision qui ne sera pas sans conséquences sur le pouvoir d’achat des Européens les plus précaires.
Avec la hausse des prix des matières premières et de l'énergie, le pouvoir d'achat des Européens est affecté par la guerre d'agression de la Russie en Ukraine. © Victor Topenot
« Ce ne sera pas facile, mais c’est une chose que nous devons faire », a déclaré la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, devant le Parlement européen le 4 mai. Par ces mots, elle alertait sur l’impact qu’aura le sixième paquet de sanctions contre la Russie, qui contient un embargo sur le pétrole. En 2020, l’UE importait 45% de tous ses hydrocarbures de Russie. L’augmentation des prix de l’énergie de ces derniers mois risque de jouer les prolongations. Autre conséquence de la guerre, l’Ukraine, autrefois grenier à céréales de l’Europe, ne peut plus tenir son rythme d’exportation. La situation pourrait devenir critique.
« Une urgence sociale criante »
Les parlementaires, réunis en session plénière, ont avancé des chiffres alarmants. Selon l’Espagnol Ernest Urtasun, vice-président du Parlement européen, 96 millions de personnes en Europe risquent de tomber dans la pauvreté. Un propos illustré par son collègue français, Mounir Satouri (Verts/ALE, écologistes), qui affirme que « cette guerre nous met face à une urgence sociale criante ».
Mercredi 4 mai, Ursula von der Leyen prenait la parole devant les députés pour annoncer le sixième paquet de sanctions.
© Philippe Buissin
Elle occasionne des hausses de prix et des pénuries d’ampleur : huile de tournesol absente des supermarchés, une augmentation de 44% du prix du beurre et de 30% en moyenne sur les légumes. Le prix des matières premières, comme les céréales, augmente aussi à une vitesse fulgurante. Sur le plan énergétique, la situation n’est guère plus reluisante, les prix de l’énergie continuent de flamber. En 2020 déjà, selon la Commission, près de 36 millions d’Européens peinaient à se chauffer convenablement. Cette précarité énergétique risque fort d’aller en s’aggravant avec ce nouvel embargo.
De rares solutions à court terme
Les parlementaires et la Commission partagent un constat : les plus pauvres ne doivent pas souffrir des conséquences des sanctions. Cependant, des désaccords apparaissent quand il s’agit de trouver des solutions. Pour les partis de gauche et écologiste européens, l’UE peut et doit faire quelque chose malgré les limites de ses compétences sur le social. Mounir Satouri avance que « la Banque centrale européenne doit jouer son rôle » en finançant par exemple des initiatives comme les chèques énergie, tout en appelant l’UE à « faciliter les politiques nationales » d’aide aux plus démunis. Les bénéfices records de certaines entreprises sont dans le radar d’une grande partie de la gauche européenne. Le député allemand Martin Schirdewan (The Left, extrême-gauche) en appelle à un impôt sur les bénéfices issus des crises. Selon lui, les Gafam, les compagnies d’armement et les géants de l’énergie affichent des gains inédits, ce prélèvement « aiderait à dégager de l’argent qui pourrait servir à la production agricole, à l’aide des plus démunis et des réfugiés ».
Du centre à la droite, on souligne à l’inverse l’incapacité d’agir de l’Union. Des députés des groupes de Renew et PPE ont évoqué les plans européens de relance mis en place après la pandémie (Facilité pour la reprise et la résilience et EU next generation). Seuls ces instruments pourraient selon eux être à nouveau déployés pour répondre à cette crise. Mais selon des experts, ces programmes ne peuvent pas s’appliquer dans le cadre de cette nouvelle crise. Ces plans « ne sont pas des mécanismes qui imposeraient à tous les États d’agir de la même façon, chaque État décide de sa propre politique d’aide aux ménages et aux entreprises », selon Pierre Jaillet, chercheur associé à l'Institut Jacques Delors et l’Iris.
Une opportunité de repenser l’Union Européenne
Sur le long terme, tous les parlementaires veulent repenser l’Europe pour qu’elle ressorte plus forte de la guerre. Or, s’ils sont d’accord sur cette idée, ils ne le sont pas sur les moyens. Les Verts par exemple veulent une Europe sociale qui agit pour les plus précaires et les travailleurs, alors que la droite européenne du PPE souhaite davantage une refonte économique de l’Europe pour favoriser les entreprises. À cause de ces nombreux désaccords, l’Europe apparaît incapable d’amortir le choc de la guerre et des sanctions sur le porte-monnaie de ses citoyens.
Amjad Allouchi et Victor Topenot