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15/02/12
16:00

Le Concordat: une tradition favorable à l'islam?

L’islam ne fait pas partie des cultes reconnus depuis plus de deux cents ans en Alsace-Moselle. Néanmoins, grâce au droit local, il bénéficie d’un contexte bienveillant.

La grande mosquée de Strasbourg a ouvert ses portes aux fidèles à l'été 2011. (Crédit : Claire Gandanger)

En annonçant vouloir inscrire la laïcité dans la Constitution française, François Hollande a touché à une question sensible pour les électeurs alsaciens et a heurté les responsables des cultes reconnus d'Alsace. Lundi 13 février, il tentait de rassurer ces derniers : il ajouterait dans ce cas une disposition pour ancrer la spécificité du concordat d’Alsace-Moselle dans la Constitution.

Dans un consensus droite-gauche affiché, de nombreux Strasbourgeois réaffirmaient pendant ce temps, à l’occasion d’un débat organisé par l'UMP au Foyer de l’étudiant catholique (FEC), leur attachement au concordat et au droit local d'Alsace-Moselle favorable à la liberté de financements des cultes. Si elle s'ancre dans une histoire vieille de plus de deux siècles, cette particularité a aussi contribué à faire de l’Alsace une terre d'accueil sans pareil en France pour le culte musulman.

Aujourd’hui, les élus de droite et de gauche partagent la volonté d'optimiser toujours plus le droit local pour intégrer l’islam en Alsace. Lundi soir au FEC, Fabienne Keller, sénatrice UMP et ancienne maire de Strasbourg et Mathieu Cahn, premier secrétaire PS du Bas-Rhin l’ont réaffirmé.

Fabienne Keller :

Mathieu Cahn :

 

Le droit local permet le financement public du culte musulman

Driss Ayachour sait bien ce que les musulmans d’Alsace doivent au concordat. “Oui, c'est plus facile ici qu'ailleurs en France. En Alsace, tout ce qu'on a réalisé actuellement, c'est d’abord grâce au régime local”, affirme le président du conseil régional du culte musulman d'Alsace. La grande mosquée de Strasbourg inaugurée à l'été 2011, et dont la construction a été en partie financée par les collectivités, et le cimetière public musulman de 1000 emplacements inaugurés le 6 février en sont les derniers exemples.

Le concordat de 1801 reconnaît les cultes catholique, protestant luthérien, protestant réformé, et juif et les organise sous le regard de l'Etat. Non remis en question par la loi de séparation de l'Eglise et de l'Etat de 1905 –car l’Alsace et la Moselle étaient alors allemandes–, il continue de s'appliquer aujourd’hui. Prêtres, pasteurs et rabbins sont des fonctionnaires que les collectivités ont l'obligation de loger. L'enseignement religieux est obligatoire dans les écoles publiques. Les édifices des quatre cultes reconnus peuvent être entretenus à la charge des communes.

L'islam ne bénéficie pas encore des avantages octroyés aux quatre cultes par Napoléon. Pourtant avec 109 000 musulmans en Alsace-Moselle, la communauté musulmane y est plus importante que la communauté des protestants réformés et que la communauté des israëlites. En 2006, le mosellan François Grosdidier, alors député UMP, déposait une proposition de loi visant à faire de l'islam le cinquième culte reconnu par le concordat. Cette démarche n'a pas abouti. Pour les laïcs, le concordat est anachronique et les quatre cultes reconnus constituent déjà une charge considérable pour les collectivités d'Alsace-Moselle (53 millions d'euros pour l'année 2007).

A Strasbourg, des négociations sont en cours pour introduire l'enseignement de l'islam à l'école. En attendant une pleine intégration de leur culte en Alsace et en Moselle, les musulmans peuvent s'appuyer, pour financer leurs projets, sur le régime local des associations cultuelles, qui n'est pas limité par la loi de 1905.

En Alsace et en Moselle, il n'est pas interdit aux collectivités de subventionner ces associations, si ces financements sont considérés d'intérêt général par les élus. En 2011, l'agglomération strasbourgeoise comptait 30 lieux de culte gérés par des associations cultuelles. Les musulmans seraient entre 40 000 et 50 000 dans l'agglomération selon les estimations du CRCM. D'autres projet de construction sont en préparation, notamment à la Robertsau et à Hautepiere. A Metz en Moselle, malgré le même droit local, l'appel au financement d'une grande mosquée suscite les réticences. L'union d'associations qui porte le projet ne bénéficie pour le moment que d'un bail emphytéotique de la part de la municipalité qui ne participe pas au financement.

Dans ces conditions, la Communauté urbaine de Strasbourg n'a pas seulement facilité le projet de grande mosquée en louant un terrain à bas prix à l'association qui le gère, via un bail emphytéotique, comme peuvent tenter de le faire les collectivités partout en France. Elle, le Bas-Rhin et la région Alsace ont aussi financé le quart des 8,7 millions d'euros qu'a coûté la construction de l'édifice. “Ici, il n'y a pas d'interdiction de financer les cultes. C'est le principe de la liberté de financement dans la mesure où il est reconnu d’intérêt général”, explique Laurence Grisey-Martinez, de l'Institut de droit local alsacien-mosellan. “Plus le culte est important et plus la commune a de liberté pour le financer”, complète la juriste. Le reste des frais de la grande mosquée a été pris en charge par des dons privés de fidèles et de pays arabes, le Maroc en tête.

A Marseille, qui compte 200 000 musulmans, le projet de grande mosquée a été ralenti par les recours en justice de ses opposants. Ces recours dénonçaient le montant insuffisant des loyers demandés par la ville à l'association La mosquée de Marseille, qui pouvaient être assimilés à une donation déguisée. Un dernier recours a fait annuler en octobre 2011 le permis de construire de l'édifice à cause d'un manque de places de parking. Mais aujourd'hui la plus grande difficulté de l'association est de lever les 22 millions d'euros de fonds nécessaires pour mener à bien le chantier, le financement étant uniquement dépendant des dons privés des fidèles et des pays arabes.

Pour soutenir la construction du cimetière musulman de 1 000 emplacements, inauguré le 6 février dernier, Roland Ries et Fabienne Keller n'ont pas contourné le droit comme l'a prétendu Marine Le Pen lors de son meeting strasbourgeois dimanche 12 février. Au contraire, c'est encore une exception locale, héritée de la Révolution française, qui a permis aux élus communautaires de financer la construction du premier cimetière musulman de France, à hauteur de 800 000 euros. Dans les communes alsaciennes où l'on pratique plusieurs cultes, chacun d’entre eux a en effet droit à un lieu d'inhumation particulier. Si une petite commune ne dispose que d’un seul cimetière, elle peut alors y aménager des espaces séparés.

Dialogue interreligieux

Au-delà du cadre légal favorable aux musulmans, Driss Ayachour met en avant “le dialogue et l'entente cordiale favorisés par cet héritage historique”. Prévu pour les religions catholique, protestante et juive il y a deux cent ans, le concordat a instauré un dialogue interreligieux favorable à l'intégration du culte musulman. Au niveau local, tout le monde a contribué à faire avancer les choses”, insiste Driss Ayachour.

La pratique collective a débuté pour le ramadan 1979, une église protestante nous avait prêté une cave”, se souvenait ainsi à l'ouverture de la grande mosquée en juillet dernier Azouagh Bouzion, Strasbourgeois depuis quarante ans, cité par le JDD. Dès 1998, les responsables des trois cultes reconnus ont appuyé dans une déclaration commune le projet d’une grande mosquée à Strasbourg. “Nous travaillons en très bonne entente avec eux et nous continuerons à les soutenir”, affirme Colette Schrodi, du service communication de l'Union des Eglises protestantes d'Alsace-Lorraine.

L’Alsace sanctuarisée au détriment de toutes les religions ?

En janvier dernier, l'annonce faite par François Hollande d'inscrire la loi de 1905 dans la Constitution française a inquiété en Alsace. “On a l'impression que cette annonce est destinée prioritairement à l'islam. Elle touche également les lois locales en Alsace-Moselle où la laïcité est appliquée à travers les règles du concordat”, réagissait Philippe Richert, le président UMP du conseil régional.

Les représentants des quatre cultes reconnus ont alors adressé un courrier au candidat socialiste pour lui demander des précisions. Après la réponse du socialiste, le chancelier de l’archevêché de Strasbourg Bernard Xibaut se dit aujourd’hui rassuré quant à l'intention de François Hollande de ne pas toucher au statut de l'Alsace-Moselle.

Mais le projet d’ancrer la spécificité alsacienne dans la Constitution interroge le chanoine. “Cela risque d'accentuer de manière rigide la différence entre une Alsace sanctuarisée par la Constitution et le reste de la France, entre une Alsace où tout est permis et une France de l'intérieur où tout est interdit. Ce projet désavantagerait toutes les religions du reste de la France, ce qui pourrait attiser des jalousies et à terme remettre en question la particularité locale.”

A l’image des pertes d’avantages qu’une telle fixation pourrait selon lui occasionner pour les diocèses de France, il voit aussi un risque pour l’intégration du culte musulman. En cent ans d'application, l'Eglise a en effet bénéficié de nombreuses exceptions à la loi de 1905. La justice tolère par exemple la pratique des baux emphytéotiques: ces baux concédés aux associations cultuelles par les communes sont tolérés, car ils ne sont pas considérés comme une subvention directe. Inscrire l’exception alsacienne au principe de séparation de l’Eglise et de l’Etat dans la Constitution fragiliserait cette tolérance selon Bernard Xibaut, “car à chaque exception, une question prioritaire de constitutionnalité pourrait la faire invalider”.

Le conseil régional du culte musulman refuse de s'immiscer dans le débat, aiguisé par la campagne présidentielle. On a confiance dans l'évolution de la société française et dans la capacité d'adaptation de l'islam et des musulmans”, se contente de répéter Driss Ayachour.

Claire Gandanger

Sons : Magali Fichter

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